« Des millions de filles n’ont jamais mis les pieds en classe »

Les jeunes filles des communautés rurales sont davantage à risque, en raison du manque d’éducation, de pratiques néfastes enracinées et des violences sexistes

Des jeunes filles gambiennes à l'école

« L’éducation change des vies. Elle permet de sortir de la pauvreté », et pourtant des millions de filles « n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe. » Photo: Unesco Africa – licence: CC BY-NC-SA 2.0

Par  Kaitlin Drape – Plusieurs réunions de la CSW62 ont abordé les dangers auxquels sont confrontées les jeunes filles dans les zones rurales. « Ne laisser aucune fille de côté » était le titre de l’un des événements parallèles organisé sur ce thème grâce au financement de la Mission permanente du Royaume-Uni.

Kiki James, la PDG de ACE Charity à Abuja, au Nigéria, a souligné que 130 millions de filles à travers le monde ne vont pas à l’école, et que plusieurs pays n’ont pas réussi à leur offrir une « éducation gratuite, sûre et de qualité » Plusieurs écoles ne sont pas dotées d’installations appropriées, notamment pour les sanitaires, et manquent de dispositifs de sécurité, comme des clôtures et des agents de sécurité. Nombre de filles craignent de s’éloigner de leur foyer en raison des risques d’enlèvement. ACE fournit des enseignants, des ordinateurs (ainsi que les générateurs pour les faire fonctionner), des livres et des fournitures, et se joint aux efforts de sécurité de la communauté.

Omar Abdi, directeur exécutif adjoint de l’UNICEF, a indiqué que le manque d’éducation contribue aux mariages et aux maternités précoces, ainsi qu’aux violences à caractère sexiste. « L’éducation change des vies. Elle permet de sortir de la pauvreté », et pourtant des millions de filles « n’ont jamais mis les pieds dans une salle de classe. »

Asiya Kazmi du programme Girls Education Challenge a insisté sur l’importance d’un environnement d’enseignants de qualité pour l’apprentissage, ainsi que sur l’accès à l’éducation en ligne. Elle a souligné que le modèle durable mis en œuvre par l’organisation comporte des Guides d’apprentissage, soit des élèves plus âgées servant de tutrices aux jeunes. L’initiative permet de générer des vocations d’enseignant et renforce la valeur des jeunes femmes dans la communauté.

Objectifs de développement durable concernés

 

Certaines pratiques sexospécifiques particulièrement nuisibles contribuent à opprimer les filles et les femmes. Les mutilations génitales féminines (MGF), par exemple, sont un problème majeur car elles entraînent des problèmes de santé qui durent toute la vie. Et même si elles sont désormais interdites dans la plupart des pays du monde, de nombreuses communautés rurales continuent de les pratiquer. Dans le cadre de la table ronde « Stratégies efficaces pour l’élimination des MGF » financée par l’AMREF (African Medical and Research Foundation) , les intervenants ont expliqué que des filles aussi jeunes que 8 ans sont soumises à ces pratiques, qui contribuent également au mariage infantile. « Il s’agit tout bonnement d’un certificat de mriage » souligne Nice Leng’ete, employée de l’AMREF au Kenya. Pour Yasmeen Hassan, directrice exécutive mondiale d’Egalité Maintenant, les lois ne sont pas suffisantes : « les lois existent mais personne ne les respecte ». Selon elle, il est essentiel de former la police et les magistrats ; en outre son organisation lance des poursuites dans certains cas afin de sensibiliser la population aux interdictions légales.

Les violences à caractère sexuel sont ancrées dans certaines de ces cultures, a indiqué la princesse Osita-Oleribe du Centre pour les initiatives en santé familiale lors d’une table ronde parrainée par l’Aide à la santé pour tous. De plus, les femmes perpétuent souvent elles-mêmes ces pratiques.  Elle insiste sur le fait que « les lois doivent faire l’objet d’un accord », mais que les gens doivent également « intégrer » ces normes.  Dans le but d’atteindre ce changement des mentalités, son organisation a parrainé des forums civiques dans quelque neuf villages, s’adressant ainsi à plus d’un millier de personnes. L’organisation a également lancé une campagne d’affichage et aidé à adopter des chartes communautaires interdisant la violence contre les femmes et les filles.

« Ceci a également un impact sur leur éducation », a précisé la Dre Ohajuruka. Ces jeunes filles ont souvent trop honte pour aller à l’école et peuvent manquer jusqu’à une semaine de classe à cause des tabous associés aux menstruations. Le Centre pour les initiatives en santé familiale fournit des trousses contenant des serviettes en tissu réutilisables, des produits d’hygiène et des informations pédagogiques.

Pour recevoir une éducation et changer les choses à leur tour, les filles doivent parvenir, elles-mêmes, à mieux se faire entendre dans leur communauté, selon la Dre Beth Osnes, une orthophoniste et cofondatrice de l’organisation Speak.world. La docteure Osnes a présenté le travail de l’organisation au Guatemala et en Tanzanie par le biais d’une présentation intitulée « Vocal Empowerment ». Speak.World met en œuvre « un programme en en 12 sessions qui utilise les sciences et les arts pour libérer les contributions des jeunes femmes » comme l’a souligné Chelsea Hackett, cofondatrice du projet qui comprend également  une formation vocale ainsi qu’une analyse des enjeux sociaux.

Au cours de la discussion parrainée par Girls Learn International  et intitulée « Responsabilisation politique des filles : stratégies et technologies visant l’implication des filles », plusieurs jeunes femmes ont souligné l’importance de l’intersectionnalité en matière d’acquisition des droits humains pour les filles et les femmes, ainsi que l’importance de partager son histoire personnelle par l’entremise des nouvelles technologies, comme les médias sociaux. Pour de nombreuses filles, la race, le genre et le statut économique sont autant de notions qui entrent en opposition et génèrent des défis plus difficiles à relever. Pourtant, les femmes et les filles peuvent contribuer à relever ces défis en partageant leur propre histoire et en élargissant la discussion sur les droits humains des femmes à l’échelle mondiale.