Femmes, ruralité et technologies

S’intégrer au monde numérique est essentiel aux femmes et aux jeunes filles qui peuvent ainsi se procurer des débouchés, construire des parcours professionnels et dépasser les stéréotypes de genre

Analyste solaire au travail au Kenya

« Le fossé entre les sexes n’est pas dû au hasard, mais au moins il est réversible » – analyste solaire au travail au Kenya – photo Dwalsh3, own work – CC BY-SA 4.0

Par Kaitlin Drape – Casser le code : autonomiser les femmes et les filles des régions rurales via l’acquisition de compétences numériques, tel était le titre d’un événement parrainé par l’UNESCO et organisé en marge de la 62ème session de la Commission de la Condition de la Femme en mars dernier. L’événement a permis de mettre en lumière le fossé existant entre les sexes en terme d’accès au numérique et ce qui est mis en œuvre pour le combler. « Le fossé entre les sexes n’est pas dû au hasard, mais au moins il est réversible » a souligné Saniye Gulser Corat, directrice de la Division pour l’égalité des genres du Cabinet de la Directrice générale au Siège de l’UNESCO.

Les femmes et les jeunes filles sont sous-représentées dans les technologies de l’information et de la communication (TIC), surtout dans les régions rurales où les femmes ne possèdent ni téléphone ni ordinateur. L’alphabétisation est également une condition sine qua non de l’accès au numérique et les deux tiers des quelque 700 millions d’adultes illettrés sont des femmes. Selon Mme Corat, Bien que le nombre d’initiatives numériques ait récemment augmenté, les régions rurales doivent encore faire face à des problèmes majeurs. Le panel s’est également penché sur les programmes mis en œuvre par leurs différentes organisations dans un objectif d’autonomisation des femmes et des jeunes filles des régions urbaines et rurales via des formations dans les domaines des STIM (Science, technologie, ingénierie et mathématiques) et des TIC.

Plusieurs initiatives visent à remédier à ces problèmes. Kwasi Gyan-Apenteng, représentant du ministère des Communications du Ghana, a évoqué « l’ambitieux programme national de numérisation du pays comprenant la connectivité des communautés rurales mal desservies ».  L’initiative Girls Can Code (Les filles savent coder) par exemple a permis de former quelque 300 jeunes filles issues d’une dizaine de collèges au codage et aux TIC. Ces jeunes filles prennent également part à la Semaine africaine du code,  un évènement annuel réussi qui rassemble 35 pays africains et organise des centaines d’ateliers de codage dans tout le continent. L’an dernier, la manifestation a en particulier mis l’accent sur les jeunes filles, dont 583.000 ont bénéficié d’une formation.

Roland Lindenthal, représentant du ministère allemand de la Coopération économique et du développement, a expliqué que l’Allemagne a joué un rôle clé en permettant d’inscrire l’éducation numérique à l’ordre du jour du sommet du G20. « Le soutien massif que nous avons reçu de tous les pays du G20 nous a stupéfié ». Le programme eskills4girls a ainsi vu le jour dans l’objectif de parrainer des initiatives et autres réunions liés au codage.

Le secteur privé joue souvent un rôle essentiel dans la promotion des formations TIC et STIM dans les pays en développement. Par exemple, Microsoft a établi un partenariat avec ProMujer, une organisation qui responsabilise les femmes d’Amérique latine. Selon Jessica Olivan, directrice des partenariats stratégiques pour ProMujer, Microsoft aide à former les femmes au codage et à l’élaboration de sites Web afin d’aider au développement de leur entreprise.

Dans certains cas, les femmes rurales (dont beaucoup sont illetrées) reçoivent une formation à l’installation et à la maintenance des équipements de haute technologie. Le Barefoot College, qui existe depuis 45 ans, a formé des femmes de 93 pays à l’installation et la maintenance de systèmes solaires à domicile. Les Solar Mamas, comme on les appelle reviennent dans leurs communautés rurales avec ces compétences ; elles sont alors capables d’apporter l’électricité aux différents foyers de la région tout en enseignant aux autres femmes à le faire.

La technologie pour lutter contre la violence sexuelle

La technologie permet aussi de soutenir les femmes victimes de violence ou de harcèlement, une question sur laquelle s’est penché le panel intitulé Faire face à la violence sexuelle par la technologie et les données issues de l’externalisation ouverte, parrainé par la Red Dot Foundation.

ElsaMarie D’Silva, fondatrice et PDG de Safecity, une organisation basée en Inde, a expliqué comment le groupe utilise des logiciels d’externalisation ouverte pour localiser les lieux où le harcèlement est le plus répandu. « Nous sommes à la recherche d’une tendance dominante », a-t-elle déclaré, en utilisant le « pouvoir du nombre » pour signaler tous les épisodes de harcèlement que nous constatons. Le logiciel peut cartographier les zones à forte incidence de harcèlement, qu’il s’agisse d’un bureau, d’une école ou encore d’un secteur géographique particulier.

Un représentant de la « Red Elephant Foundation », également basée en Inde, a décrit le projet Saahas (‘Courage’ en hindi), une application mobile comportant des listes d’organisations de soutien, de conseillers, de services d’urgence ou d’assistance médicale et juridique, d’enseignement et des lignes d’assistance téléphonique destinées aux victimes de harcèlement, de maltraitance ou de viol. Ce service fonctionne désormais dans 196 pays, avec une base de données concernant près de 20.000 organisations. L’objectif est « d’aider les victimes de violence » par le biais d’un service unique.