59ème session de la CICAD OEA

“Convergences et divergences dans le cadre international de l’abus d’usage des drogues” Par Alberto León

cicad59La cinquante-neuvième session ordinaire annuelle de la CICAD-OEA (Commission Interaméricaine pour le Contrôle de l’Abus de  Drogues) s’est tenue les 25 et 26 avril derniers à Washington D.C., avec un important ordre du jour lié à la Session Spéciale de l’Assemblée Générale des Nations Unis (UNGASS) organisée peu de temps auparavant à New York.

La majorité des délégués qui ont assisté à la CICAD provenaient directement de l’ONU. Cet aspect a permis de maintenir un ton concomitant au thème de la politique de lutte contre l’usage des drogues, sa révision et ses futures stratégies pour l’Hémisphère.

L’agenda a touché sur les deux jours les aspects de structure de la CICAD, les impressions de la réunion de New York et le plan d’action 2016-2020.

L’Ordre Exécutif 16-21 : la Modification de la Structure du Secrétariat de la Sécurité Multidimensionnelle : Atomiser pour améliorer vs Disperser pour affaiblir.

Au cours de la matinée du premier jour de travail Madame Paulina Duarte, actuelle secrétaire intérimaire du Secrétariat de Sécurité Multidimensionnelle (SSM) duquel dépend structurellement la CICAD, a réalisé une étude explicative détaillée et analytique de l’Ordre Exécutif 16-01 signé par le Secrétaire Général Luis Almagro le 26 janvier 2016 et entré en vigueur à partir de la même date, dans lequel est définie la restructuration de la SSM et services (voir : OEA ordre exécutif 1601).

A l’intérieure de la nouvelle structure la SSM reste organisée en quatre services :

  1. Secrétaire Exécutif de la Commission Interaméricaine pour le contrôle de l’Abus d’usage de Drogues (CICAD), avec pour rang de Service.
  2. Secrétaire du Comité Interaméricain contre le terrorisme, avec pour rang de Service.
  3. Service de Sécurité Publique.
  4. Service Contre la Délinquance Organisée Transnationale.

Avec cette nouvelle structure la CICAD est restée à son tour opérationnelle avec deux sections:

  • Section de Réduction de la Demande
  • Section de Politiques contre les Drogues : conception, mise en place, surveillance et évaluation.

Selon Madame Duarte cette nouvelle structure permettra à la CICAD d’améliorer les aspects suivants :

  • Session I. Réduction de la demande : a pour ambition de renforcer le thème de la formation et de l’enseignement moderne des Ressources Humaines, ce qui permettrait de mettre en place des programmes très effectifs répondant aux nouvelles tendances de consommation et aux nouvelles drogues conçues. A  pour ambition également de renforcer l’assistance technique de chaque pays membre pour certifier son personnel soignant et établir des Protocoles de Normes de Qualité.
  • Session II. Politiques de lutte contre les drogues: prétend approfondir l’intégration de l’Hémisphère.  Actuellement nous ne savons pas ce que chaque pays membre est en train de faire concrètement eu égard à leurs politiques locales. Il n’y a pas de structures ou de normes communes, ce qui implique une aide plus effective.

Cela requiert de partager l’information pour obtenir de meilleures données de la réalité.

  • Avec le respect du thème de Sécurité Publique, l’Application de Justice et la Lutte contre le terrorisme, la  CIDAD continuera en collaborant comme support et  source d’information avec les autres commissions de l’OEA.
  • Sur le thème de la Sécurité Publique la CICAD pourra recevoir ou transmettre l’information de données plus empiriques sur le trafic des armes, des personnes et des drogues aux commissions de Sécurité Publique, Justice et Terrorisme.
  • Dans le domaine de la Justice la CICAD sera reliée de manière constante au système carcéral et pénitentiaire pour identifier les populations vulnérables, les mesures alternatives et les statistiques des Etats membres.
  • Dans la lutte contre le terrorisme la CICAD apportera l’information à la Commission qui se chargera directement du thème.

Une fois le thème exposé la table ronde des pays membres s’est ouverte.

En général les pays sont en désaccord avec la nouvelle structure puisque selon la majorité la CICAD diminue son pouvoir d’action. Il n’est donc pas faisable de séparer l’OFFRE et la DEMANDE et d’attendre les améliorations dans la réalité de l’Hémisphère. La majorité des pays du Cône Sud ne produisent pas seulement la drogue mais la consomment et en font leur trafic ce qui oblige à aborder le thème de manière intégrale (DEMANDE OFFRE POLITIQUES de SECURITE et JUSTICE).

Mexique: demande fermement que la section de l’OFFRE soit réintégrée à la CICAD excepté le Canada tous les autres pays l’appuient dans sa requête.

Les prises de positions des pays où le réseau Dianova mène des actions se résument ainsi :

Chili: Mariano Montenegro Directeur de SENDA Chili

  • Nous devons aborder le phénomène des drogues de manière intégrale et avec une approche scientifique.
  • Retirer le thème de l’OFFRE, déjà faible, à la CICAD eu égard à son incidence sur le phénomène.
  • Cela le préoccupe que la nouvelle structure ne reflète ni les besoins ni son opinion sur ce phénomène.
  • Réclame à l’égal de l’UNGASS des alternatives parallèles à l’emprisonnement des consommateurs ou aux délits mineurs.

Nicaragua: Jimy Vanegas Commissaire de CNDCO Nicaragua

  • Haute préoccupation que celle de la décision déjà prise sans en avoir consulté les Etats membres.

Voudrait voir la CICAD fragmentée dans l’exécution des programmes et un accès à l’information.

  • Le crime transnational fait partie du phénomène et inquiète sur le blanchiment de capitaux.

Uruguay: María Logomarsino déléguée CNULD Uruguay

  • Cette décision nous choque, cependant il faut la voir comme un défi.
  • Nous devons examiner quelle serait la meilleure structure de la CICAD, former une  commission qui recueille les inquiétudes des pays membres et les transmet à M. le Secrétaire.

Additions et soustractions

Du côté des soustractions :

La principale inquiétude des Etats membres de la CICAD est que cette nouvelle structure de la SSM affaiblit le pouvoir de l’organisation puisque le phénomène des drogues dans différentes sections est fractionné, qu’il s’agisse des Commissions ou des Départements. Ces sections pourraient s’organiser en une “Tour de Babel” dans le cas de l’attaque frontale de différents agents. D’un côté  la CICAD  aurait seulement  ingérence sur la demande et les politiques. Alors que les autres départements attaqueraient la pénalisation, la réduction de l’offre, la lutte contre le crime transnational.

Ceci pourrait créer quelques vides pas seulement structurels sinon budgétaires puisque la CICAD pourrait ne pas obtenir de fonds suffisants pour travailler avec qualité la régulation des politiques publiques de santé, le traitement et la réhabilitation des personnes affectées par l’abus des drogues.

L’autre difficulté serait l’interaction entre les différents départements. Citons l’ exemple du  Département de Sécurité Publique dans sa section D, paragraphe 1: il serait responsable de la “modernisation de leurs systèmes pénitentiaires et établissements carcéraux, inclurait les orientations pour la réinsertion et la réhabilitation des consommateurs de drogues mis sous la tutelle de personnel pénitentiaire ou judiciaire non expert sur le thème puisque les enseignements, certifications et les formations sur la  réhabilitation pour la formation des professionnels, tout comme la partie scientifique, resterait sous la hiérarchie de la CICAD”.

D’autre part, en reprenant les mots de la déléguée d’Uruguay, Madame María Logomarsino : “Cette décision nous choque cependant il faut la voir comme un défi”  on remarque que cette nouvelle structure pourrait faciliter plus encore le renforcement de chaque thème et pourrait lutter depuis différents flancs contre le phénomène de l’abus de drogues afin d’améliorer les structures au sein de chaque pays membre.

Pour reprendre l’exemple du Nicaragua : actuellement existe le Conseil National Contre le Délit et le Crime Organisé. Cette commission locale a remplacé, ou plutôt, a englouti l’ancien Conseil Nationale de Lutte Contre les Drogues,  convertissant en une section ce qui restait de son pouvoir d’action, affaiblissant ainsi  le travail dans les zones de formation de personnel professionnel qui assiste la population consommatrice de drogues. Les réunions menées avec la société civile ont été délaissées pour créer des politiques publiques locales et renforcer les institutions qui se consacraient à la réhabilitation. Avec la nouvelle structure de la CICAD on pourrait rembourser toutes ces actions dans chaque pays membre.

Le Défi Principal de la SSM sera celui de coordonner l’action entre ces différentes sections comme l’a dit Docteur Paula Duarte pour mieux articuler l’information, le suivi et l’évaluation de la nouvelle structure afin que chaque commission intensifie son pouvoir d’action dans chaque pays membre et au sein de l’OEA même.

UNGASS…une semaine après

Par ailleurs à une semaine de l’évènement de l’UNGASS à New York, le forum a formulé une réflexion soulignant la participation de l’Hémisphère à l’ONU comme un pas en avant pour dénoncer la préoccupation et l’importance que suscite le phénomène dans notre continent. L’Amérique est le continent où l’on endure le plus la problématique des drogues dans toutes ses dimensions tant dans l’offre (production de Coca, Marihuana, méthamphétamine et Nouveaux produits psychoactifs (les NPS), le crime organisé lié au trafic de drogues, à celui des armes, la formation de cartels, la violence et la traite de personnes, les emprisonnements, les condamnations, etc.),  que la demande. Il est donc  difficile de trouver un pays de l’Hémisphère qui n’endure pas les trois phénomènes.

Le plus pertinent du dialogue avec les pays membres a été :

COMMENTAIRES CONCERNANT L’UNGAS

  • On félicite le Mexique, le Guatemala et la Colombie de d’aller de  l’avant, avant l’ONU de l’UNGAS.
  • En général les membres de la CICAD reconnaissent que la  UNGAS reste courte et timide sur certains thèmes comme la peine de mort destinée à ceux qui enfreignent les lois  pour des raisons  liées  aux drogues.  Cependant ils reconnaissent les avancées dans les approches visant la santé publique, de mettre la personne humaine au centre et non les drogues et  de respecter que chaque Etat applique ses politiques à leur réalité.

Le délégué du Mexique expose les exploits ponctuels de ce que laisse UNGAS

REUSSITES

  1. Reconnaître  que l’approche punitive est insuffisante cependant non négligeable, il convient de poursuivre les entreprises  contre l’offre.
  2. Initier un mouvement pour enrichir un régime international contre les drogues.
  3. Consolider une approche centrée sur la santé publique et les Droits de l’Homme.
  4. Aligner les politiques de contrôle des drogues aux politiques de développement.
  5. Réitérer les réalités de chaque hémisphère pour un meilleur plan d’action.

Depuis sa dissertation, s’est ouvert le dialogue tenant comme modérateurs les représentants du Chili et du Mexique et le Président de la CICAD qui ont défini comme axes d’action et d’intention les points suivants à observer d’ici la  60ème session à célébrer en novembre au Bahamas.

CHEMINS A SUIVRE

  1. Partager toutes les expériences de l’hémisphère (bonnes pratiques, qu’on a cessé de faire).
  2. Refléter les avancées depuis UNGAS dans un plan d’action (2016-2020).
  3. Renforcer le dialogue et les mécanismes entre secteurs (on reconnait la valeur de la société civile).
  4. Améliorer la veille d’information et sa testabilité (quantitative et qualitative).
  5. Redimensionner la coopération entre les pays membres et évaluer son impact.

Avec ces propositions se ferma la session 59 laissant les défis et les enjeux pour continuer de travailler pour combattre un phénomène chaque fois plus complexe et divergent. L’Amérique est plus que consciente que le plan d’action 2016-2020 sera la clef de la lutte contre les Drogues.