Les fondements du projet éducatif Dianova

Lithographie de Joaquim Falcó Pujol, offerte à Dianova

Depuis près de quarante ans, le réseau Dianova s’est voué à donner à la personne les moyens de gagner en liberté et en autonomie, les moyens de changer. Pour y parvenir, nous avons élaboré des pratiques fondées non seulement sur l’introspection et la relation à l’autre, mais aussi sur l’apprentissage. Car apprendre c’est aussi changer. Ainsi, l’éducation, qu’elle soit formelle ou informelle, est depuis toujours au cœur du projet social de Dianova.

Cet engagement en faveur de l’éducation, entre autres, a permis à Dianova d’obtenir des Nations Unies un statut d’ONG ayant un statut consultatif auprès du Conseil Économique et Social (ECOSOC), lequel nous encourage à poursuivre dans cette voie et à participer à relever le défi des objectifs du millénaire pour le développement, grâce notamment à notre savoir-faire en matière d’apprentissage.

 

La vocation du réseau Dianova ne doit pas changer pour autant. Nous voulons seulement aller un peu plus loin, en donnant non seulement aux personnes les moyens de changer, mais aussi à la société dans son ensemble. Nous souhaitons engager un processus qui fera de Dianova un promoteur de changements sociaux, pour une société plus juste et un développement humain soutenable. Et le premier élément de cette vision pour demain, c’est le projet éducatif de Dianova.

Cette vision a été communiquée, puis partagée, à la fin de l’année 2009, par l’ensemble des organisations membres du réseau, lors de l’assemblée générale de Dianova. La première étape a été d’instaurer un groupe de travail, nommé « Dianova Education 2012 », dans le but d’identifier nos valeurs et de construire un projet qui soit cohérent avec la vision et la mission du réseau. Dans le travail de recherches qui a suivi, nous avons produit des documents, compulsé des archives, étudié des penseurs et des sociologues de toutes origines, dans un travail de réflexion et de définition de nos valeurs qui nous doit nous permettre d’identifier le cadre philosophique de notre projet éducatif.

Parmi ces auteurs, les thèses de l’un d’entre eux nous ont paru faire particulièrement écho aux valeurs qui sont les nôtres et aux positionnements que nous voulons défendre. Il s’agit de celles du sociologue Edgar Morin, dans l’ouvrage « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur » (1).

Dans son ouvrage, Morin ne vise pas à édifier un système qui soit seulement fondé sur l’acquisition des compétences ou le développement des habiletés individuelles, il voit plus loin et appelle à construire un avenir soutenable, où les maîtres mots seront la démocratie, l’équité et la justice sociale, la paix et l’harmonie avec notre environnement naturel.

Il en appelle en premier lieu à une véritable connaissance de la connaissance humaine, avec ses difficultés et ses propensions à l’erreur comme à l’illusion qui ont parasité l’esprit humain depuis l’aube de l’humanité. L’éducation doit permettre une prise de conscience d’un tel risque, afin que l’esprit humain ne s’enferme pas dans des certitudes, mais si ces dernières paraissent logiques et rationnelles. La connaissance n’est pas seulement faite de rationalité, car la vraie rationalité est aussi faite d’affectivité, de passions, de curiosité et d’émotions. Elle sait que l’esprit humain ne saurait être omniscient et que la réalité comporte une part de mystère.

Il nous appartient aussi de repenser la façon dont est organisée la connaissance. La modernité tend à toujours plus de morcellement et de compartimentation des savoirs. Il est au contraire essentiel de lever les barrières traditionnelles entre les disciplines. Relier ce qui est séparé. Ainsi, une approche transdisciplinaire est essentielle pour permettre aux jeunes de saisir la complexité et le caractère global des problèmes d’aujourd’hui.

Cette approche vaut d’autant plus que nous sommes entrés de plain-pied dans une ère planétaire, une ère de globalisation. Les problèmes auxquels nous devons faire face deviennent chaque jour plus multidimensionnels et transculturels, comme le sont nos sociétés et comme l’est l’être humain. Il est désormais impossible d’isoler les parties du tout. Chaque dimension est en interaction permanente avec toutes les autres. L’éducation doit permettre de développer l’aptitude naturelle de l’esprit humain à situer ses informations dans un contexte et un ensemble qui lui permettent de comprendre les relations entre les parties et le tout et prendre en compte la complexité du monde, au sens étymologique du mot complexe, c’est-à-dire ce qui est tissé ensemble.

Le troisième millénaire confronte l’ensemble des êtres humains à des problèmes et à un destin communs. Pourtant, malgré la nature profondément unificatrice de ce mouvement de globalisation, le monde est toujours plus divisé en petits états repliés sur leur identité et sur leur culture. Il en résulte une aggravation des conflits – entre religions, entre riches et pauvres, nord et sud, démocratie et dictature.

L’un des objets essentiels de l’éducation du futur sera donc de donner à l’être humain une véritable identité planétaire, avec l’enjeu de réussir à inscrire en chacun d’entre nous une conscience anthropologique qui nous permette de reconnaître notre unité dans notre diversité; une conscience écologique qui nous enseigne à partager et à protéger une biosphère commune et enfin, une conscience civique mondiale, fondée sur l’enseignement de la critique et de l’autocritique, de la responsabilité et de la solidarité, de la citoyenneté et de la compréhension entre les peuples.
Un tel projet apparaît tellement vaste qu’on pourrait facilement le qualifier d’utopie. On pourrait dire aussi qu’il est du seul ressort des systèmes éducatifs nationaux, de l’État, ou même des états. Mais pas du nôtre. On le sait pourtant, l’état n’est pas propriétaire de la vision à long terme. Nous pouvons amorcer le mouvement grâce à la société civile et aux organisations du tiers secteur.

Dianova peut jouer là un rôle important dans ce domaine. Non pas parce que la nature de notre histoire ou de notre expérience nous confère une disposition naturelle qui ferait de nous de meilleurs éduquants. Mais  parce qu’en près de quarante années nous avons petit à petit élaboré un ensemble de pratiques, une philosophie de l’interaction et du vivre-ensemble qui nous permet de nous positionner, avec un projet construit, comme l’un des initiateurs d’une nouvelle philosophie de l’éducation.

Ces pratiques proviennent d’un savoir-faire qui a fait ses preuves. Elles sont fondées sur la qualité de l’atmosphère relationnelle mise en œuvre dans nos programmes, grâce à un ensemble de valeurs essentielles à toute démarche de nature éducative:

Le respect de l’autre, de ses besoins, de ses choix, de ses motivations et de ses attentes. L’intégration de processus démocratiques qui permettent d’écouter et de comprendre, de critiquer et de s’autocritiquer, d’entendre et d’accepter les idées contraires ou déviantes.

L’empathie, c’est-à-dire se mettre à la place d’autrui, de comprendre par où il est passé, parfois pour avoir soi-même vécu ce qu’il vit. La tolérance, qui suppose le choix éthique d’accepter les idées, les coutumes, les attitudes qui ne sont pas les nôtres.

La notion d’un développement humain juste et soutenable avec la mise en place de projets visant l’égalité de genre, ou celle d’activités éco-citoyennes.

La résilience, enfin, qui traduit notre volonté d’aider à trouver des solutions créatives face à l’épreuve, à surmonter ces épreuves et à s’en nourrir pour en sortir grandi.
La réussite du projet éducatif de Dianova passera par l’implication de chacun des membres du réseau dans une myriade de projets différents, fondés sur des valeurs communes. Ces valeurs sont déjà présentes; elles font partie de notre identité. Il nous appartiendra de les utiliser pour donner aux jeunes les clés qui leur permettront de faire face à la rapidité des changements, à l’imprévisibilité et à la complexité grandissante du monde.

(1) Publié en octobre 1999 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) disponible gratuitement sur l’internet en français et espagnol.

Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur (pdf) (Version intégrale, sur le site de l’UNESCO)